Dispositif Dutreil & Durée de l’animation par la holding
Par un arrêt du 25 mai 2022, la Cour de cassation vient censurer la position de l’Administration fiscale au sujet de la durée de l’activité d’animation d’une société holding dont les titres ont été transmis sous le dispositif Dutreil.
Pour mémoire, les titres d’une société holding peuvent bénéficier de l’exonération de 75% de droits de donation ou de succession lorsque la société exerce une activité d’animation de groupe de sociétés, c’est à dire participe activement à la conduite de la stratégie du groupe et au contrôle des filiales. L’enjeu est de taille puisqu’alors l’exonération s’applique à la totalité de la valeur des actifs du groupe (trésorerie et immobilier notamment) et non seulement à la valeur de la filiale opérationnelle.
Dans ses commentaires (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, 21 déc. 2021, § 55), l’Administration fiscale précise au sujet de la durée de l’activité d’animation : « La condition du caractère de holding animatrice d’une holding de groupe s’apprécie au moment de la conclusion du pacte « Dutreil » ou de la transmission en cas d’engagement réputé acquis (…), et doit être remplie jusqu’au terme des engagements (…) de conservation » (de 4 ou 6 ans, selon le cas). C’est ce dernier postulat que vient sanctionner la Haute juridiction qui considère que l’Administration fiscale ajoute là un critère non prévu par la Loi (art. 787 B du CGI).
En l’espèce, l’héritier des titres d’une société holding animatrice avait bénéficié de l’exonération de 75% puis, dans les mois suivants, la plupart des participations dans les filiales avaient été cédées par la holding. Il reçut alors une proposition de rectification du service des impôts au motif du défaut d’animation du groupe pendant le délai de conservation de 4 ans après la transmission. Le redressement fiscal fut validé par la Cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 08/10/2019) dont l’arrêt est cassé ce 25 mai 2022.
Si en droit la cassation semble s’imposer, la décision s’inscrit à rebours des objectifs de pérennité de l’entreprise qui caractérise le dispositif Dutreil. Rappelons en effet que l’exonération partielle a été instaurée pour assurer la continuité de l’activité économique d’une société après le décès de son propriétaire. Par ailleurs, en matière de société holding, le risque est que l’entité tête de groupe soit considérée comme exerçant une activité patrimoniale de gestion de participations, activité non éligible au dispositif Dutreil. L’appréciation est parfois délicate et a donné lieu à des tergiversations historiques de la jurisprudence et de l’Administration fiscale, avant que la situation ne se stabilise en la faveur du contribuable ces derniers mois (voir notamment nos articles des 21/10/2020 et 10/01/2022).
En tout état de cause, et pour diverses raisons tirées du dispositif lui-même, il nous paraît indispensable que l’activité d’animation (ou toute autre activité éligible) soit effective pendant toute la durée des engagements de conservation, et on ne conseillera donc pas aux dirigeants de suivre la décision de la Cour de cassation ! On songe notamment ici à l’abus de droit fiscal qui sanctionne l’application littérale de textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs…
Cet arrêt nous rappelle encore que les conditions d’application du régime Dutreil aux sociétés holdings animatrices sont très subtiles et nécessitent un suivi minutieux dans le temps et une analyse permanente pour la sécurité fiscale de la transmission de l’entreprise.
TSD NOTAIRES – remi.blondelle@notaires.fr