La Cour d’Appel de Paris sème le doute sur le champ d’application du droit de préemption « Pinel »

La Cour d’Appel de Paris sème le doute sur le champ d’application du droit de préemption « Pinel »

Les praticiens connaissent bien les difficultés liées à l’application du droit de préemption profitant au locataire commercial, institué par la Loi Pinel aux termes de l’article L145-46-1 du Code de commerce.

Il résulte de cet article que le locataire d’un « local à usage commercial ou artisanal » bénéficie d’un droit de préemption lorsque son propriétaire envisage la mise en vente de celui-ci.

La jurisprudence a déjà eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises sur la mise en œuvre de cet article, nous en avons parlé au travers de précédents billets.

Par un arrêt rendu le 1er décembre 2021, la Cour d’Appel de Paris prend position sur la question -relativement préservée jusqu’alors- du champ d’application du droit de préférence, en se concentrant sur le sens du terme de « local à usage commercial ou artisanal ».

Les faits d’espèce sont les suivants : à l’occasion de la vente de locaux loués pour l’exercice d’une activité « d’administrateur de biens, syndic de copropriété, location, transaction« , l’acquéreur identifié se trouve évincé par le preneur en place, lequel entend se prévaloir des dispositions de l’article susmentionné.

Le candidat acquéreur, qui avait signé avec le vendeur une promesse synallagmatique de vente portant sur un local commercial (et deux emplacements de stationnement), sollicite la nullité de la vente intervenue au profit du preneur en place en « faisant valoir principalement que l’article [L145-46-1 du code précité] ne s’applique que lors de la vente de locaux à usage commercial ou artisanal ; que les locaux à usage de bureaux ont été expressément exclus du champ d’application de ce texte par le législateur ainsi qu’il résulte du rejet de l’amendement 148 ; que les locaux loués à la société Foncia Giep étaient à usage exclusif de bureaux, elle ne bénéficiait pas d’un droit de préemption. »

En effet, le requérant soulève que « selon la clause de destination du bail, les locaux sont destinés à l’usage exclusif de bureaux, pour l’activité d’administrateur de biens, syndic de copropriété, location, transaction ».

Le candidat acquéreur considère ainsi que le bail désignant les locaux comme étant à destination de bureaux, le droit institué au profit du locataire par l’article L145-46-1 du code précité n’aurait pas du être mis en œuvre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il vise dans sa requête le rejet de l’amendement 148, lequel visait à faire bénéficier du droit de préemption les professionnels libéraux en ajoutant le terme « bureaux » dans la partie de phrase suivante : « lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal ou de bureaux envisage de vendre celui-ci« …

La Cour ne suit pas cette analyse et considère que l’activité d’administrateur de biens, syndic de copropriété, location, transaction est une activité commerciale par application des dispositions de l’article L110-1 du Code de commerce. Elle en déduit alors que le local loué est donc un local commercial, nonobstant les dispositions du bail, et en conclut donc que le locataire bénéficiait bien du droit institué par l’article L145-46-1.

Sur la base de cette décision, si elle devait être confirmée, il conviendrait pour les praticiens de vérifier certes l’usage du local objet du projet de vente mais également l’activité qui y est exploitée par son occupant, avant de déterminer s’il convient de purger le droit de préemption du locataire en place…

Pour aller plus loin : contactez Me Anthony Scrive, Me Judith Barbry ou Me Alexandrine Hamm – TSD Notaires