Les conditions de paiement ou de consignation du prix en cas d’exercice de son droit de préemption par le titulaire

Les conditions de paiement ou de consignation du prix en cas d’exercice de son droit de préemption par le titulaire

Lorsqu’il exerce son droit, le titulaire du droit de préemption urbain peut accepter le prix et les conditions de la cession, tels qu’exposés dans la déclaration d’intention d’aliéner (art. R213-8 b) du c. urb.).

Dans quel délai le prix doit-il alors être payé ou le cas échéant consigné ?

L’article L.213-14 du Code de l’urbanisme prévoit qu’« en cas d’acquisition d’un bien par voie de préemption ou dans les conditions définies à l’article L. 211-5, le transfert de propriété intervient à la plus tardive des dates auxquelles seront intervenus le paiement et l’acte authentique.

Le prix d’acquisition est payé ou, en cas d’obstacle au paiement, consigné dans les quatre mois qui suivent soit la décision d’acquérir le bien au prix indiqué par le vendeur ou accepté par lui, soit la décision définitive de la juridiction compétente en matière d’expropriation, soit la date de l’acte ou du jugement d’adjudication.

En cas de non-respect du délai prévu au deuxième alinéa du présent article, le vendeur peut aliéner librement son bien. » 

Deux questions se posent à la lecture de cet article :

Qu’est-ce qu’un obstacle au paiement justifiant la consignation et que faut-il entendre par consignation ?

  • Sur la notion d’obstacle au paiement, la Cour de Cassation a récemment jugé que :

« la cour d’appel, qui a souverainement retenu qu’il existait un risque avéré de non-restitution du prix de vente en cas d’annulation de l’arrêté de préemption par la juridiction administrative, a caractérisé l’existence d’un obstacle au paiement justifiant la consignation du prix de vente, sans être tenue de procéder à une recherche sur le fondement d’une disposition qui ne trouve à s’appliquer que lorsque le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation.» (Cass. Civ. 3ème 23 septembre 2020, n° 19-14261, publié au bulletin).

Dans cette espèce, un recours en annulation avait été exercé à l’encontre de la décision de préemption et la Cour d’appel avait considéré que cela caractérisait l’existence d’un obstacle au paiement en raison du risque de non-restitution du prix de vente en cas d’annulation de la décision de préemption.

Ainsi un recours devant le tribunal administratif -ou tout au moins, les conséquences éventuelles de ce recours-, a été jugé comme constituant un obstacle au paiement.

  • S’agissant de la notion de consignation, il a été jugé que la simple délibération du conseil municipal affectant une somme dédiée à l’achat dans le budget communal ne pouvait valoir paiement ou consignation au sens des dispositions précitées. (Cour d’Appel Orléans, 3 décembre 2012, n° 12/00455).

Par ailleurs, les articles 35 et 39 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique prévoient que :

« Les comptables publics ne peuvent procéder à des paiements par voie de consignation des sommes dues sauf :

1° En application des dispositions de l’article 39 ;

2° En matière d’expropriation pour cause d’utilité publique, s’il existe des obstacles au paiement et si l’expropriant entend prendre possession des immeubles expropriés.» 

« Lorsqu’un créancier refuse de recevoir le paiement, la procédure d’offres réelles prévue par les articles 1257 à 1264 du code civil est mise en œuvre dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé du budget. » 

Les articles 1257 à 1264 sont abrogés et la procédure est désormais celle des articles 1345 et suivants du Code civil.

L’article 1345-1 dudit code évoque, après une mise en demeure sans effet après deux mois, une consignation à la Caisse des dépôts et consignations.  

Un engagement unilatéral de l’exécutif local disant que les fonds sont disponibles ou une délibération du conseil municipal actant cette dépense, ne peut donc valoir consignation.

En effet, cet engagement de dépense ne peut constituer la consignation prévue à l’article L.213-14 du Code de l’urbanisme.

Ceci d’autant plus que, en droit, l’article 30 du décret du 7 novembre 2012 définit l’engagement comme « l’acte juridique par lequel une personne morale mentionnée à l’article 1er crée ou constate à son encontre une obligation de laquelle il résultera une dépense. L’engagement respecte l’objet et les limites de l’autorisation budgétaire.» 

Il s’agit de la première étape de l’opération de dépense selon l’article 29 du même décret qui prévoit : « Les opérations de dépenses sont successivement l’engagement, la liquidation, le cas échéant l’ordonnancement, ainsi que le paiement». L’engagement de dépense ne constitue donc pas un paiement mais simplement la première étape d’une opération de dépense pouvant aboutir au versement de la somme s’il est suivi d’autres étapes.

Dès lors, un engagement unilatéral de la collectivité ou de son exécutif quant au paiement d’une somme équivalente au prix de vente, ne peut caractériser une consignation au sens de l’article L.213-14 du Code de l’urbanisme puisque la somme n’a été versée, ni auprès de la caisse des dépôts et consignation, ni ailleurs.

Pour aller plus loin : contactez Me Pierre-Etienne Bodart ou Me Chloé Guilbeau-Bradier – Montesquieu-Avocats