LOI DE FINANCES POUR 2024 – FOCUS SUR LES DONATIONS DE SOMME D’ARGENT AVEC RESERVE D’USUFRUIT

LOI DE FINANCES POUR 2024 – FOCUS SUR LES DONATIONS DE SOMME D’ARGENT AVEC RESERVE D’USUFRUIT

Nous vous l’écrivions dans notre brève du 29 décembre dernier : « la porte qu’avait semblé ouvrir le Comité de l’abus de droit fiscal le 11 mai 2023, en considérant les donations de somme d’argent avec réserve d’usufruit comme non abusives, se referme fort logiquement… ». C’est ce qui résulte de l’article 774 bis du Code général des impôts , l’un des nouveau-nés de la loi de finances pour 2024.

Pour rappel, la donation de somme d’argent avec réserve d’usufruit permet :

  • au donateur de conserver la libre disposition de la somme donnée (principe du quasi-usufruit), à charge pour lui de rendre un montant équivalent lors de l’extinction de son usufruit (le plus généralement à son décès),
  • au donataire de n’être taxé que sur la valeur en nue-propriété de la somme donnée.

Jusqu’alors, elle permettait également au donateur de déduire de sa succession la dette de restitution de cette somme pour sa valeur en pleine propriété.

Ingénieux mais selon nous trop audacieux, ce montage ne serait pas, d’un point de vue du droit civil, considéré comme contraire au principe d’irrévocabilité des donations, dans la mesure où le donateur, en devenant débiteur d’une dette de restitution, se serait appauvrit immédiatement et définitivement en faveur du donataire, qui, devenu créancier de cette dette, se serait enrichit corrélativement.

Ce montage n’est pas non plus considéré comme constitutif d’un abus de droit au sens de l’article L 64 du Livre des procédures fiscales, à condition que la somme donnée figure bien dans le patrimoine du donateur au jour de la donation. C’est en ce sens que le Comité de l’abus de droit fiscal s’était prononcé le 11 mai 2023 .

Toutefois, le nouvel article 774 bis du Code général des impôts fait perdre tout intérêt fiscal à ce montage. Il est désormais prévu qu’il ne sera plus possible de déduire de l’actif successoral « les dettes de restitution exigibles qui portent sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit ». Autrement dit, sur le plan fiscal, la dette de restitution ne constituera plus un passif déductible de la succession du donateur.

A la lecture de ce seul alinéa, on pourrait y voir là une double peine pour le donataire héritier : alors qu’il n’est plus possible de déduire cette dette de restitution, la somme d’argent non dépensée par le donateur ou non investie se trouverait taxée une seconde fois à hauteur de sa valeur en nue-propriété (déjà taxée au moment de la donation).

C’est justement pour éviter cette double taxation que le législateur a prévu :

  • qu’il ne sera pas tenu compte de cette donation au titre du rappel fiscal,
  • et, par analogie à ce qui existe déjà à l’article 751 du Code général des impôts, que les droits de mutation acquittés lors de la donation pourront être imputés sur les droits de succession dus par le nu-propriétaire, sans toutefois pouvoir donner lieu à restitution.

On comprend donc qu’à fiscalité constante, cet article conduit à taxer la valeur de l’usufruit de la somme d’argent dont les parties avaient fait l’économie au moment de la donation, ce qui limite considérablement la portée de cette opération.

Ces nouvelles dispositions sont d’application immédiate. Elles concernent déjà toutes les successions ouvertes depuis le 29 décembre 2023, quelle que soit la date de réalisation de la donation.
Pourtant, des éclaircissements quant à leur champ d’application sont à espérer, une lecture littérale de ce nouvel article laissant place à quelques interrogations…

capucine.valckenaere@notaires.fr