Est-il indispensable de transmettre l’avis des domaines aux élus avant qu’ils ne délibèrent sur la cession d’un bien de la commune ?

Est-il indispensable de transmettre l’avis des domaines aux élus avant qu’ils ne délibèrent sur la cession d’un bien de la commune ?

L’OEIL DU NOTAIRE

C’est à cette question écrite n° 16836 de Madame Christine HERZOG, en date du 18 juin 2020, que le Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a répondu le 24 septembre 2020.

Ainsi que cela avait été rappelé dans un précédent billet du 5 novembre 2018, la délibération d’une personne publique doit nécessairement être précédée de la consultation de l’autorité compétente de l’Etat.

Madame le Ministre apporte dans sa réponse quelques précisions intéressantes issues de la jurisprudence :

  • pour que la délibération du conseil municipal sur la cession d’un bien soit régulière, la teneur de l’avis, et non nécessairement l’avis lui-même, doit être portée à la connaissance des membres du conseil municipal avant la séance, par l’intermédiaire de la note de synthèse jointe à la convocation (CE, 11 mai 2011, n° 324173);
  • si l’avis existait au moment de la délibération, le défaut d’information préalable des conseillers municipaux peut être régularisé avec effet rétroactif par une seconde délibération réitérant l’approbation de la cession (CE, 10 avril 2015, n° 370223);
  • même en l’absence d’avis au moment de la délibération, le juge n’annulera cette dernière que si le défaut d’avis a été susceptible d’exercer une incidence sur le sens de la délibération du conseil municipal (CE, 23 oct. 2015, n° 369113).

Elle rappelle également que dans toute commune de 2.000 habitants ou moins, la consultation préalable de l’autorité compétente de l’Etat avant toute cession n’est pas obligatoire. Dans ce cadre facultatif, l’information préalable des conseillers municipaux ne s’impose pas plus.

Rappelons enfin que s’il est encore courant de nommer l’autorité compétente de l’Etat « France Domaine », le décret n° 2016-1234 du 19 septembre 2016 a créé la direction de l’immobilier de l’État (DIE), qui s’est substitué au service France Domaine de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

L’OEIL DE L’AVOCAT

L’occasion est ici donnée de rappeler que lorsqu’il est requis, l’avis de France Domaine, peut ne pas être suivi, cette seule circonstance n’étant pas elle-même de nature à faire regarder la délibération comme entachée d’illégalité.

C’est ainsi que la Haute Juridiction Administrative a pu juger que la cession par une commune d’un terrain à des particuliers pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes.

Si cette jurisprudence semble donc permissive, son cadre de mise en œuvre est très strict et permet au juge de s’assurer tant de l’objectif d’intérêt général qui guide cette cession, que de contrôler les contreparties effectives, attendues par la personne publique.

Pour déterminer si la décision par laquelle une collectivité publique cède à une personne privée un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur est, pour ce motif, entachée d’illégalité, il incombe au juge de vérifier si elle est justifiée par des motifs d’intérêt général. Si tel est le cas, il lui appartient ensuite d’identifier, au vu des éléments qui lui sont fournis, les contreparties que comporte la cession, c’est-à-dire les avantages que, eu égard à l’ensemble des intérêts publics dont la collectivité cédante a la charge, elle est susceptible de lui procurer, et de s’assurer, en tenant compte de la nature des contreparties (et, le cas échéant, des obligations mises à la charge des cessionnaires), de leur effectivité. Le juge doit, enfin, par une appréciation souveraine, estimer si ces contreparties sont suffisantes pour justifier la différence entre le prix de vente et la valeur du bien cédé.

Sur la base de cette grille de lecture, a pu par exemple être jugée licite une baisse significative du prix de vente évalué par France Domaine, après constat de l’objectif de création de logements sociaux devant être satisfait sur l’ensemble immobilier cédé, les obligations de rénovation et mise aux normes des logements existants assignées au bailleur social acquéreur et enfin le plafonnement des loyers devant être perçus par l’acquéreur. (CAA Paris 12 juin 2018, n°17PA00494)