Les délibérations des personnes publiques et l’avis de l’autorité compétente de l’Etat

Les délibérations des personnes publiques et l’avis de l’autorité compétente de l’Etat

L’OEIL DU NOTAIRE :

Les délibérations des personnes publiques prises pour la vente

Rappel préalable: Le domaine public d’une collectivité est inaliénable : une vente ne peut donc porter effectivement que sur un bien dépendant du domaine privé de la collectivité. Il est de la responsabilité du notaire de s’en assurer.

Nécessité d’une délibération motivée:

  • Communes (et leurs établissements publics) : Art L2241-1du CGCT : Interprétation a contrario de l’alinéa 3 : pas de délibération motivée du conseil municipal nécessaire si la commune a moins de 2.000 habitants.
  • Départements (et leurs établissements publics) : Art L 3213-2 du CGCT : Délibération motivée systématique du conseil général.
  • Régions (et leurs établissements publics) : Art L4221-4 du CGCT : Idem que pour les départements.

Contenu de la délibération motivée (Réponse ministérielle TIBERI du 18 février 2002) : 

  • Situation physique du bien vendu  (références cadastrales, description sommaire…) ;
  • Situation juridique (notamment situation locative) ;
  • Prix qui est constitué de la totalité des sommes ou contreparties versées par le cessionnaire au cédant (TVA, etc…) ;
  • Désignation du ou des cessionnaires ;
  • Éventuelles conditions de la cession (suspensives, résolutoires).

Avis de l’autorité compétente de l’Etat (remplace l’avis des domaines depuis la loi « Murcef » du 11/12/2001) : Art L3221-1 du CG3P : Il doit être obtenu avant toute délibération. Il est réputé obtenu à l’expiration d’un mois à compter de la saisine du service par la collectivité.

L’avis contient très souvent un délai de validité (en général 1 an). Une décision du TA d’Amiens du 27/01/2009 a considéré que la délibération de la personne publique était illégale si elle était prise sur le fondement d’un avis périmé.

Cet avis s’impose pour les ventes mais également dans les cas suivants :

L’OEIL DE L’AVOCAT :

Dans les cas où elle est réglementairement requise, l’absence de consultation est susceptible d’entacher d’irrégularités la décision de la personne publique se prononçant sur la cession et de justifier son annulation (Pour une illustration, CAA Nantes, 1er mars 2013, 11NT01889, société Euro Quality Project IV).

Néanmoins, le juge pourra rechercher si, compte tenu des circonstances de l’espèce, l’absence de consultation du service des Domaines a été de nature à exercer une influence, sur le sens de la décision finale, notamment  sur le principe même de l’opération ou les conditions financières de celle-ci et considérer exceptionnellement, que l’annulation ne s’impose pas (CAA LYON, 23 juin 2016, 14LY01701, M. et Mme A.).

Enfin, si cette consultation préalable est obligatoire, les termes de l’avis rendu par les services domaniaux ne s’imposent pas totalement à la personne publique. Celle-ci est, en effet, en mesure de retenir exceptionnellement des conditions financières de l’opération différentes de celles contenues dans l’avis, dès lors qu’il est fait état de contreparties suffisantes et de motifs d’intérêt général  avérés, justifiant que la personne publique puisse s’écarter de l’avis du service évaluateur.

Il existe évidemment un principe de valeur constitutionnelle qui s’oppose à ce que des biens publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur (CC, n° 86-207 DC du 26 juin 1986 Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social, dite Privatisation)

Le Conseil d’Etat reprend ce principe dans sa jurisprudence, mais en admettant toutefois la cession d’un bien pour un prix inférieur à sa valeur lorsque d’une part elle est justifiée par un motif d’intérêt général, et d’autre part comporte des contreparties suffisantes (CE, Section, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, n° 169473).

Pourront ainsi être regardées comme suffisantes les contreparties tenant « à la réalisation d’équipements publics contribuant au désenclavement d’un certain nombre de parcelles et à l’amélioration des conditions générales de circulation du secteur » (CAA Douai, 25 novembre 2012, n° 11DA01951).

Enfin, les modalités d’exercice du contrôle du juge sur la légalité d’une délibération autorisant une cession à un prix inférieur ont été précisées en 2015 par le Conseil d’Etat :

« pour déterminer si la décision par laquelle une collectivité publique cède à une personne privée un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur est, pour ce motif, entachée d’illégalité, il incombe au juge de vérifier si elle est justifiée par des motifs d’intérêt général ; que, si tel est le cas, il lui appartient ensuite d’identifier, au vu des éléments qui lui sont fournis, les contreparties que comporte la cession, c’est-à-dire les avantages que, eu égard à l’ensemble des intérêts publics dont la collectivité cédante a la charge, elle est susceptible de lui procurer, et de s’assurer, en tenant compte de la nature des contreparties et, le cas échéant, des obligations mises à la charge des cessionnaires, de leur effectivité ; qu’il doit, enfin, par une appréciation souveraine, estimer si ces contreparties sont suffisantes pour justifier la différence entre le prix de vente et la valeur du bien cédé » (CE 14 octobre 2015, n°375577, publié au recueil).