Le locataire commercial peut-il se dispenser de payer son loyer du fait de la crise sanitaire?

Le locataire commercial peut-il se dispenser de payer son loyer du fait de la crise sanitaire?

L’OEIL DU NOTAIRE

Nombreux sont ceux qui se sont posés la question récemment…

A cette question, le Tribunal Judiciaire de Paris vient d’apporter un début de réponse par un jugement rendu le 10 juillet 2020.

Interrogé sur la question de savoir si un commerçant pouvait se dispenser de payer son loyer sur le fondement de la rédaction de l’article 4 de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 – lequel, selon le locataire, avait suspendu l’exigibilité du paiement des loyers de cette période dite juridiquement protégée – le Tribunal vient de répondre par la négative.

Par un communiqué de presse du 15 juillet, le juge est venu préciser que « cet article 4 interdit l’exercice de voies d’exécution forcée, mais ne suspend pas l’exigibilité du loyer qui peut être spontanément payé ou réglé par compensation, si le bailleur est, de son côté, redevable de certaines sommes à son locataire. »

Le même juge rappelle par ailleurs que « les contrats devant être exécutés de bonne foi selon l’article 1134 devenu 1104 du code civil, les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives. Constatant qu’en l’espèce le bailleur avait fait des propositions d’aménagement du paiement du loyer échu pendant la période dite juridiquement protégée et que le locataire n’avait pour sa part fait aucune proposition en retour, le tribunal a retenu que le bailleur avait exécuté de bonne foi ses obligations et a fait droit à sa demande de paiement intégral du loyer du 2ème trimestre 2020, par la voie de la compensation.« 

L’OEIL DE L’AVOCAT

Cette décision a été rendue dans un contexte spécifique, le locataire n’ayant plaidé ni la force majeure, ni l’exception d’inexécution.

Le tribunal ne tranche donc pas ces questions de droit invoquées fréquemment  par les preneurs.

Mais en revanche, il indique :

  • que les contrats doivent être exécutés de bonne foi et que dans un contexte aussi particulier, les parties doivent discuter
  • que le bailleur en proposant un étalement (et non une annulation), exécute son contrat de bonne foi.

Il est à noter que sur ce jugement, le tribunal judiciaire de Paris a publié un communiqué de presse – ce qui n’est pas si fréquent – en sorte que les principes qui y figurent ont une vocation générale, dans la limite des questions effectivement posées et tranchées par les magistrats. 

L’enseignement de ce jugement est donc principalement que l’ordonnance du 25 mars 2020 ne suspend pas le paiement des loyers.