Le droit de reconstruire

Le droit de reconstruire

L’OEIL DU NOTAIRE

L’article L 111-15 du Code de l’urbanisme institue le droit de reconstruire à l’identique un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de 10 ans nonobstant toute dispositions d’urbanisme, sous 2 réserves :

  • il ne faut pas que la carte communale, le plan local d’urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement.
  • le bâtiment détruit ou démoli doit avoir été régulièrement édifié.

Concernant l’application de cette seconde réserve, on savait que la reconstruction n’était pas possible pour un bâtiment édifié sans autorisation (ce qui vise le cas de l’autorisation annulée ou retirée) ou en méconnaissance de cette autorisation

Mais le droit de reconstruire doit-il pour autant être refusé à un propriétaire de bonne foi qui n’est pas à l’origine de l’irrégularité opposée par l’administration et qui se trouve dans l’impossibilité d’apporter la preuve de la régularité de la construction initiale ?

Dans un arrêt du 7 juin 2019, le Conseil d’Etat relève que cette hypothèse n’a pas été prévue par le législateur et que cela ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’exercice du droit de propriété.

Cet arrêt apporte 2 enseignements :

  • Le propriétaire de bonne foi peut se trouver privé du droit de reconstruire, au même titre que celui ayant acquis l’immeuble en pleine connaissance de cause.
  • Le propriétaire qui invoque le droit de reconstruire doit apporter la preuve de la régularité de la construction initiale ; l’administration n’ayant pas à apporter la preuve contraire. La situation sera donc délicate pour les constructions réalisées avant l’institution du permis de construire par la loi du 15 juin 1943 et qui sont présumées régulières sauf si elles ont été édifiées en violation des règles alors applicables. Comment le propriétaire pourra t’il rapporter la preuve de leur légalité alors que le permis de construire n’existait pas à l’époque ?

La vigilance était et reste de mise pour toute revente de biens sinistrés ou en zone devenue inconstructible. Mais elle l’est aussi pour la vente de tout bien en bon état à l’instant de sa transmission mais dont la pérennité est attaché au droit de reconstruire.

L’ŒIL DE L’AVOCAT

Sous la réserve d’importance signalée ci-dessus et dans les conditions de l’article L111-15 du code de l’urbanisme, la reconstruction à l’identique d’un bâtiment est donc possible, nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire,  à moins que le document d’urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels « en dispose autrement».

Pour que l’administration puisse s’opposer à la reconstruction, il faut donc que le document d’urbanisme contienne de manière explicite, une interdiction de reconstruire, après sinistre. Le juge administratif exige en effet des dispositions spéciales et expresses interdisant la reconstruction à l’identique, pour approuver un refus de permis de (re)construire. (CAA Versailles 15 novembre 2018, n°17VE03339)

Egalement, si la « reconstruction à l’identique » est rendue possible dans ces conditions, elle n’ exclut pas que le projet de reconstruction soit finalement différent de l’immeuble détruit, dès lors que les règles générales du POS le permettent par ailleurs. Ainsi, si les dispositions particulières du POS, relatives à la reconstruction  des bâtiments détruits à la suite d’un sinistre, ont pour objet de rendre possible une telle reconstruction, sous réserve que soient repris les emprises et volumes initiaux de la construction, nonobstant toute règle contraire du plan d’occupation des sols, elles ne sauraient faire obstacle à ce que puissent être autorisés des travaux conduisant à l’extension d’une construction, même affectée par un sinistre, alors que les travaux envisagés sont conformes aux règles d’urbanisme fixées par le plan d’occupation des sols pour la zone considérée ; que, par suite, en jugeant illégal le permis de construire délivré au motif que les travaux autorisés avaient pour effet d’augmenter le volume d’une construction partiellement détruite par un sinistre, sans rechercher si, ainsi qu’il était soutenu, ces travaux étaient en eux-mêmes susceptibles d’être autorisés au vu des règles générales fixées par le plan d’occupation des sols, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit  (CE 16 mai 2018, n°406645)

Enfin, l’admission de la reconstruction à l’identique, dans les conditions rappelées ci-dessus, n’est toutefois pas un droit acquis à obtenir un permis. La Cour de LYON a par exemple validé un refus de permis de (re)construire à l’identique, sollicité sur le fondement de l’article L111-3 du code de l’urbanisme (désormais L111-15), en se fondant sur l’article R111-2 du même code,  après avoir relevé « l’insuffisance de la desserte du terrain d’assiette du projet de Mme D…et les difficultés d’acheminement des engins de lutte contre l’incendie, le maire n’a commis aucune erreur de droit, quand bien même le projet de l’intéressée correspondrait effectivement à lareconstruction à l’identiqued’un chalet détruit par un incendie » (CAA LYON 11 mai 2013, 12LY01625)