Permis de construire tacite, déféré préfectoral et obligation pesant sur la commune de transmettre au préfet l’entier dossier de demande

Permis de construire tacite, déféré préfectoral et obligation pesant sur la commune de transmettre au préfet l’entier dossier de demande

L’OEIL DE L’AVOCAT

La naissance d’un permis de construire tacite par expiration du délai d’instruction, sans qu’une décision expresse n’ait été portée à la connaissance du pétitionnaire, impose un minimum de vigilance, au regard du déféré préfectoral évidemment offert au préfet à l’égard de cette décision implicite et au regard des conditions de déclenchement du délai dont dispose le préfet pour exercer le cas échéant ce recours.

L’article L2131-6 du Code général des collectivités territoriales dispose que le préfet défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission.

Figurent au nombre de ces actes les permis de construire tacites.

Une commune doit être réputée avoir satisfait à l’obligation de transmission, dans le cas d’un permis de construire tacite, si elle a transmis au préfet l’entier dossier de demande, en application de l’article R423-7 du Code de l’urbanisme. Le délai du déféré court alors à compter de la date à laquelle le permis est acquis ou, dans l’hypothèse où la commune ne satisfait à l’obligation de transmission que postérieurement à cette date, à compter de la date de cette transmission. Lorsque, en application de l’article R423-38 du même code, la commune invite le pétitionnaire à compléter son dossier de demande, la transmission au préfet de l’entier dossier implique que la commune lui transmette les pièces complémentaires éventuellement reçues en réponse à cette invitation.

La vigilance des pétitionnaires et de leurs conseils se portera donc sur ce dernier point.

En effet, si un commune omet de transmettre au préfet l’entier dossier de demande faute de lui avoir adressé les pièces complémentaires reçues du demandeur en réponse à l’invitation qui lui avait été faite de compléter ce dossier, cette transmission incomplète fait obstacle au déclenchement du délai du déféré à la date de naissance du permis tacite.

Il en résulte que le permis de construire tacite, à l’égard du préfet du moins, n’est aucunement purgé.

Peu importe, en outre selon le Conseil d’Etat, que les pièces manquantes étaient ou non nécessaires à l’exercice du contrôle de légalité, et que le préfet pouvait lui-même les demander de sa propre initiative.  (CE 22 octobre 2018, n°400779, mentionné aux tables).

L’OEIL DU NOTAIRE

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat rend le pétitionnaire tributaire de la diligence des services instructeurs des communes.

Pourtant, la question du contrôle de légalité est lourde de conséquences eu égard aux actions civiles qui peuvent découler des annulations de permis de construire prononcées après déféré préfectoral.

Force est de constater que les prérogatives du préfet sont étendues :

  • d’une part, puisque cet arrêt allonge le délai pour l’exercice de ses prérogatives jusqu’à la transmission de la totalité des pièces du dossier notamment en cas de demande de pièces complémentaires,
  • d’autre part, par la récente loi ELAN du 23 novembre 2019, qui offre au préfet la possibilité de demander la démolition d’une construction, consécutivement à une annulation du permis de construire ayant fait l’objet d’un déféré préfectoral, même dans les cas où une telle démolition est en principe exclue en application de l’article L480-13 du Code de l’urbanisme.

Jusqu’alors, la démolition n’était alors possible que dans les cas suivants :

  • si le permis de construire avait été annulé pour un motif non susceptible de régularisation,
  • et si la construction était située dans une zone protégée (telle que espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard, espaces terrestres et marins caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, la bande de 300 mètres des parties naturelles des rives des plans d’eau naturels, les cœurs des parcs nationaux, les réserves naturelles, les sites désignés Natura 2000).

La Loi Elan prévoit, en ajoutant un alinéa 2 à l’article L600-6 du Code de l’urbanisme, qu’un propriétaire puisse désormais être contraint de démolir son bien immobilier, en cas de déféré préfectoral, même si le bien immobilier est situé en dehors d’une des zones protégées sus-visées.