REGARD NOTARIAL SUR LA LOI DE FINANCES 2019
La loi de finances (LF) 2019 vient de passer les fourches caudines du Conseil constitutionnel. A l’occasion de ce traditionnel contrôle de constitutionnalité, deux dispositions emblématiques se sont distinguées : la première – relative à l’assouplissement du régime dit « Dutreil » – pour avoir été discutée par les sages du Conseil, et la seconde – relative à l’abus de droit fiscal – pour ne pas l’avoir été (contrairement à ce qui c’était passé fin 2013 à l’occasion du vote de la LF 2014).
Avant un non moins traditionnel aperçu des principales dispositions patrimoniales de la LF 2019, le notaire s’arrête naturellement sur ces deux dispositions :
- Instauration d’un nouveau type d’abus de droit fiscal pour sanctionner les montages à objectif « principalement » fiscal (et non plus seulement « exclusivement » fiscal) réalisés à compter du 01/01/2020. Destiné initialement à la lutte contre l’évasion fiscale internationale des entreprises, ce dispositif a toutefois une portée générale et vient instaurer une insécurité fiscale en permettant à l’administration d’apprécier l’objectif principal d’un acte, ce qui est évidemment plus aisé que s’il s’agit de caractériser l’objectif exclusif. Maigre consolation, une procédure de rescrit est instaurée mais avec un délai de réponse de 6 mois. Les premiers commentaires avertis paraissent et une question parlementaire est déjà posée ce jour au Ministère de l’économie et des Finances au sujet des donations en nue-propriété (https://www.aurep.com/newsletters/les-donations-de-la-nue-propriete-en-question/). A suivre de près, donc…
- Assouplissement du régime Dutreil :
- Modifications du régime de l’engagement collectif :
- abaissement des seuils de détention;
- possibilité de signer seul un engagement « collectif » pour l’associé qui remplit les seuils de détention;
- l’engagement réputé acquis s’applique en présence d’une holding (il était réservé jusqu’à présent aux sociétés d’exploitation détenues directement);
- la cession entre signataires après transmission ne remet pas en cause l’exonération sur la totalité des titres transmis mais uniquement sur ceux cédés;
- l’apport des titres à une holding après transmission ne remet plus en cause l’exonération si certaines conditions sont respectées.
- Aménagements des obligations déclaratives après transmission :
- suppression des attestations annuelles (à envoyer avant le 31/03) sauf demande de l’administration;
- mais nouvelle attestation à établir dans les 3 mois à compter de la fin de l’engagement individuel…
- Modifications du régime de l’engagement collectif :
Pour le reste :
- Impôt sur le revenu :
- PAS : extension du régime de l’avance au titre des réductions et crédits d’impôts : la plupart des dépenses concernées (investissement locatif, salarié à domicile, garde des enfants, dons,…) engagées en 2018 donneront lieu à une avance au taux de 60% qui sera versée au plus tard le 01/03/2019 (cf. notre billet du 10/04/2018).
- Plus-values sur titres :
- élargissement du régime favorable du « crédit-vendeur » aux cessions de titres de certaines sociétés (dispositif réservé jusqu’alors à l’entreprise individuelle);
- aménagement du régime de report d’imposition de l’article 150-0 B ter du CGI : en cas de cession des titres apportés à une société soumise à l’IS dans les 3 ans, le report d’imposition est maintenu en cas de réinvestissement de 60% (et non plus 50%) du prix de cession dans une activité économique y compris celles réalisées désormais par l’intermédiaire d’un fonds d’investissement.
- Investissement locatif :
- Prorogation du dispositif « LMNP Censi-Bouvard » (location meublée avec services) jusqu’au 31/12/2021;
- Extension du dispositif Pinel dans certains centres-villes aux travaux de rénovation et de transformation en logements (et non plus seulement de construction).
- Non-résidents :
- Aménagements du régime de l’exit tax pour les transferts opérés à compter du 01/01/2019 : le délai de dégrèvement est porté de 2 à 15 ans (!) et les obligations déclaratives sont allégées.
- Plus-values immobilières :
- exonération de la plus-value en cas de cession de la résidence principale avant le 31/12 de l’année suivant celle du transfert du domicile hors de France (la condition de « vente dans un délai normal » n’est pas admise pour les non-résidents);
- assouplissement du dispositif d’exonération partielle en cas de cession d’un logement (art. 150 U II 2° CGI) dans un délai porté de 5 ans à 10 ans
- enfin, deux observations importantes :
- ces deux dispositifs sont exclusifs l’un de l’autre;
- la loi de financement de la sécurité sociale a prévu de limiter les prélèvements sociaux à 7,5% (au lieu de 17,2%) pour les non-résidents affiliés à un régime de sécurité sociale dans leur pays (membre de l’EEE).
- Aménagement du régime de retenue à la source spécifique concernant les salaires et pensions de source française (relèvement des taux et harmonisation avec le PAS).
- Impôt sur les sociétés :
- Révocabilité de l’option à l’IS dans les 5 ans pour les sociétés disposant de cette option (SCI notamment) ; une telle renonciation est assimilée à une cessation d’activité (= imposition immédiate des bénéfices et plus-values latentes) et est elle-même irréversible (= la société ne peut plus opter à l’IS ensuite);
- Intégration fiscale : harmonisation des règles de taxation des dividendes et plus-values intra-groupe;
- Plus-value : en cas d’apport partiel d’actif, le report de l’antériorité fiscale des titres apportés sur ceux remis est désormais admis;
- « Clause anti-abus » et instauration corrélative d’un nouveau rescrit fiscal pour les montages à objectif principalement fiscal.
- Droits d’enregistrement :
- Suppression des droits d’enregistrement fixes de 375 et 500€ sur certains actes relatifs aux sociétés (apports, augmentation et réduction de capital…);
- Rehaussement du seuil d’exonération à 75% de 101.897€ à 300.00€ des transmissions à titre gratuit de biens ruraux;
- Suppression de l’exonération des actes portant changement de régime matrimonial à compter du 01/01/2020.