La réforme du droit des sûretés

La réforme du droit des sûretés

Issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, prise en application de la Loi Pacte du 22 mai 2019 (art. 60), la réforme tant attendue qui avait pris du retard du fait de la crise sanitaire est enfin connue.

Son entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2022 (à l’exception de quelques mesures dont l’entrée en vigueur sera plus tardive).

Les objectifs de l’ordonnance étaient de plusieurs ordres :

  • rendre plus simples et plus explicites les dispositions du droit des sûretés et supprimer les sûretés désuètes ;
  • préciser les notions et règles juridiques existantes en droit positif ;
  • rendre plus attractif le droit français.

A la lecture de cette ordonnance, il apparaît que le droit du cautionnement est entièrement repensé alors que le droit des sûretés réelles est simplement retouché.

A noter également que toutes les sûretés pourront désormais être conclues par voie électronique (nouvel article 1174 du Code civil).

S’agissant des apports principaux de la réforme, il convient de retenir ce qui suit :

1 – Concernant le cautionnement

  • Une définition légale lui est donnée par le nouvel article 2288 du Code civil : « Le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. Il peut être souscrit à la demande du débiteur principal ou sans demande de sa part et même à son insu.»
  • Un travail de regroupement des règles éparpillées sur l’aspect formel du cautionnement (formalisme, proportionnalité, obligations d’information…) a été réalisé pour les rapatrier en un seul texte intégré au Code civil.
  • En matière de mention manuscrite, les régimes spéciaux sont supprimés au profit d’une règle de droit commun fixée à l’article 2297 du Code civil : il n’est plus exigé la reproduction d’une mention strictement prédéterminée. La formule sacramentelle est remplacée par une mention manuscrite – qui peut être dématérialisée – rédigée en des termes librement choisis. Seule exigence : que la formule exprime clairement la compréhension et la portée de l’engagement de la caution. Elle s’impose désormais pour tous les cautionnements souscrits par une personne physique, quelle que soit la qualité du créancier.
  • L’article 2300 du Code précité unifie les dispositions relatives à la proportionnalité : « Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date. »
  • Le devoir de mise en garde de la caution est codifié et rationalisé : il profite à toute caution personne physique et son objet se limite aux capacités financières du débiteur principal.
  • L’obligation d’information est désormais unifiée dans le Code civil et est étendu aux cautions personnes morales engagées à l’égard d’un établissement de crédit ou d’une société de financement en garantie d’un concours accordé à une entreprise.

2 – Concernant les sûretés mobilières

  • Suppression des privilèges mobiliers désuets (privilège de l’aubergiste, de dernière maladie…) ainsi que de certains gages (warrant hôtelier, stocks de guerre..).
  • Harmonisation des mesures de publicité par la création d’une registre unique, dont l’application est renvoyée à un décret devant être pris avant le 1er janvier 2023.
  • Création d’un gage sur des immeubles par destination (Art 2334 du Code civil) par lequel des biens d’équipements pourront être grevés, même après leur affectation à l’exploitation à un fonds. Il est à noter sur ce point que lors de la vente d’un immeuble contenant des immeubles par destination, le notaire devra alors s’assurer de l’absence d’inscription hypothécaire ET de l’absence de gage sur ces immeubles par destination. En cas de conflit avec un créancier hypothécaire, sur l’immeuble lui-même, le conflit se résoudra pas l’ordre des inscriptions (Article 2419 du Code civil).
  • Nantissement : pas de droit de rétention conféré au créancier (Article 2355), mais le créancier bénéficie d’un droit au paiement exclusif (Article 2363).
  • Nantissement du fonds de commerce : l’obligation d’enregistrement de l’acte de nantissement ainsi que le délai préfix pour inscrire le nantissement à peine de nullité sont supprimées. Le défaut d’inscription du nantissement  n’est plus sanctionné par la nullité, mais par l’inopposabilité de l’acte.
  • Consécration d’un régime de droit commun de cession de créance à titre de garantie (Articles 2373 et s) alors que cette possibilité n’existait jusqu’à présent qu’au profit de certains établissements (cession dite « Dailly »). Cette cession entraine un transfert de propriété de la créance.

3 – Concernant les sûretés immobilières

  • Disparition des privilèges spéciaux immobiliers (Privilège de Prêteur de Deniers, Privilège de Vendeur, de copartageant, …) : remplacement par des hypothèques légales spéciales. A travers cette mesure, l’ordonnance supprime l’effet rétroactif du privilège considéré comme contraire à la sécurité juridique. La prise de rang est ainsi exclusivement déterminée au jour de l’inscription. A noter toutefois que les privilèges déjà inscrits continueront de bénéficier des effets de la loi ancienne, ainsi que ceux nés avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Les conséquences éventuelles de cette mesure sur le plan de la fiscalité seront à examiner en détail lorsque la doctrine administrative sera connue.
  • Suppression de la prohibition des hypothèques de biens futurs (Article 2414). Cette admission ne remet pas en cause le principe de l’effet relatif de la publicité foncière : l’hypothèque ne pourra être publiée que lorsque le constituant sera devenu propriétaire du bien.