Oui, la coexistence du domaine public et d’une ASL (ou d’une AFUL) est possible!
Aux termes de la jurisprudence « La Préservatrice foncière » (11/02/1994, n° 109564), le Conseil d’État avait rappelé que le régime de la copropriété issu de la loi du 10 juillet 1965 était incompatible avec la domanialité publique en raison :
- de l’existence d’une indivision sur les parties communes ;
- de l’interdiction faite aux copropriétaires de s’opposer à l’exécution, même à l’intérieur de leurs parties privatives, de certains travaux décidés par l’assemblée générale des copropriétaires se prononçant à la majorité ;
- de la garantie des créances du syndicat des copropriétaires à l’encontre d’un copropriétaire par une hypothèque légale sur son lot.
Ces objections sont inopérantes pour les ensembles immobiliers dits « complexes » et qui peuvent être soumis à division volumétrique exclusive de parties communes (ces ensembles sont définis depuis la loi ALUR comme « comportant soit plusieurs bâtiments distincts sur dalle, soit plusieurs entités homogènes affectées à des usages différents, pour autant que chacune de ces entités permette une gestion autonome ») .
Si ces montages volumétriques se sont imposés depuis longtemps pour structurer un immeuble comprenant des propriétés publiques et privées, il est parfois nécessaire, voire obligatoire, de mettre en place une structure ad hoc (ASL ou AFUL) soumise à l’ordonnance du 1er juillet 2004, pour assurer la gestion de l’ensemble et recouvrer les charges y afférentes. Or, c’est à ce niveau qu’une nouvelle incompatibilité apparait entre le régime des associations syndicales de propriétaires – qui prévoit notamment l’existence d’une hypothèque légale sur les volumes pour garantir le recouvrement des charges – et le principe d’insaisissabilité des biens des personnes publiques.
Cette incompatibilité a été rappelée par la jurisprudence à plusieurs reprises (CE 23/01/2020 n° 430192 et 430359, et 10/03/2020 n° 432555). Dans sa dernière décision, le Conseil d’Etat précise que « L’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er juillet 2004 ne saurait toutefois avoir eu pour effet d’emporter le déclassement des biens qui, avant cette entrée en vigueur, appartenaient déjà au domaine public et se trouvaient compris dans le périmètre d’une association syndicale. Dans ce cas, sauf à ce qu’ils fassent l’objet d’un déclassement, ces biens continuent d’appartenir au domaine public et l’incompatibilité des dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 avec le régime de la domanialité publique a pour seule conséquence l’impossibilité pour l’association syndicale de mettre en œuvre, pour le recouvrement des créances qu’elle détient sur la personne publique propriétaire, la garantie de l’hypothèque légale sur les biens inclus dans le périmètre et appartenant au domaine public ». Ce faisant, le Conseil d’Etat a généré une certaine confusion en ne visant les biens du domaine public – ce qui répondait à la seule question de leur déclassement – alors que le principe d’insaisissabilité concerne également les biens dépendant du domaine privé.
C’est pour écarter cette jurisprudence que l’article 220 de la Loi climat n° 2021-1104 vient d’écarter expressément l’hypothèque légale sur un volume appartenant à une personne publique et relevant du domaine public. Ainsi la nouvelle rédaction de l’article 6 de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaire, prévoit que « Lorsque des personnes publiques sont membres d’une association syndicale de propriétaires, l’hypothèque légale ne s’applique pas à ceux de leurs immeubles qui appartiennent au domaine public ».
Il est donc désormais établi que les biens des personnes publiques relevant du domaine public peuvent être compris dans le périmètre d’une ASL ou d’une AFUL (art. L. 322-1 du Code de l’urbanisme : « Les associations foncières urbaines sont des associations syndicales régies par les dispositions de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ainsi que par celles de la présente section, constituées entre propriétaires intéressés pour l’exécution des travaux et opérations énumérés à l’article L. 322-2 »).
On notera que cette exclusion ne vise pas les immeubles du domaine privé qui sont pourtant également insaisissables. Il s’agit sans doute d’un oubli du gouvernement à l’origine de cette mesure, ou d’une conséquence de la confusion engendrée par le Conseil d’Etat dans sa jurisprudence combattue. Gageons que le recentrage ne tardera pas.