Cahier des charges de ZAC et cahier des charges de lotissement : même combat ?

Cahier des charges de ZAC et cahier des charges de lotissement : même combat ?

L’OEIL DU NOTAIRE

En matière de lotissement, depuis le 1er octobre 2007, on sait que les règles d’urbanisme contenues dans le règlement de lotissement ou les clauses de nature règlementaire du cahier des charges cessent d’être applicables à l’expiration d’un délai de 10 ans si, à cette date, le lotissement est situé dans le périmètre d’une commune couverte par un PLU ou un autre document d’urbanisme en tenant lieu.

Toutefois,  le 3ème  alinéa de l’article L 442-9 du Code de l’urbanisme rappelle que cette caducité ne s’étend pas aux droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges .

En matière de zone d’aménagement concerté (ZAC), le cahier des charges devient caduc à la date de la suppression de la zone stipule le 3ème alinéa de l’article L 311-6 du Code de l’urbanisme, exception faite pour les cahier des charges signés avant le 1er avril 2001.

A l’occasion d’un arrêt rendu par la 3ème Chambre civile en date du 4 mars 2021, la Cour de cassation s’est prononcée sur la portée de cette caducité au regard des rapports entre propriétaires dans une ZAC supprimée, dont le cahier des charges avait été signé après le 1er avril 2001.

La Haute juridiction décide que la « caducité ne fait pas obstacle à ce que les stipulations de ce[s] cahier[s] des charges continuent de régir, en raison de leur caractère contractuel, les rapports entre les propriétaires qui y ont consenti. »

Elle invite les juges du fond à rechercher « si la reproduction, dans l’acte de vente, des stipulations du cahier des charges, qui prévoyaient que tant les règles de droit privé s’ajoutant aux dispositions contenues dans le plan local d’urbanisme que les conditions générales des ventes consenties par l’aménageur devraient être reprises dans tous les actes de revente et s’imposeraient dans les rapports des propriétaires successifs entre eux et que le cahier des charges serait opposable à quiconque détiendrait tout ou partie du territoire de la ZAC, ne caractérisait pas la volonté des parties de conférer à ces obligations, par une stipulation pour autrui, un caractère contractuel ».

Dès lors, le fait de rappeler les dispositions du cahier des charges de la ZAC dans tout acte de revente et d’en imposer le respect aux acquéreurs successifs semble traduire une volonté de les contractualiser, ce qui aura pour effet de les pérenniser malgré la caducité de la ZAC, à l’image de ce qui se passe dans les lotissements.

L’OEIL DE L’AVOCAT

Cette jurisprudence entend conférer un caractère possiblement contractuel aux dispositions d’un cahier des charges de cession de terrain, en fonction de l’intention des parties aux contrats de ventes successifs d’un bien immobilier situé dans une (ancienne) ZAC, alors que pourtant, le cahier des charges de cession de terrain n’a pas (contrairement au cahier des charges de lotissement) vocation à encadrer les relations entre différents colotis, mais de s’assurer, sous le contrôle de la collectivité à l’origine de la ZAC, que l’usage du terrain initialement issu de la ZAC, tel qu’envisagé par son premier acquéreur ou occupant, sera conforme aux objectifs poursuivis par la collectivité.

Une fois la ZAC supprimée, les conditions d’occupation des terrains issus de cette ZAC demeurent régies par le document local d’urbanisme applicable.

La recherche parfois très empirique de l’intention des parties, et leur volonté éventuelle de contractualisation des règles du cahier des charges de cession de terrain, conduit les acquéreurs à être exposés à un risque juridique et à une complexification artificielle des règles applicables, qui semblaient pourtant devoir disparaitre avec la suppression de la ZAC, et ceci à l’image de ce qui est pratiqué par la Cour de cassation en matière de règlement de lotissement :

« l’article 1er du règlement de lotissement disposait qu’il devait être visé dans tout acte translatif ou locatif de terrains bâtis ou non bâtis, qu’un exemplaire devait être annexé à tout contrat de vente et que les acquéreurs ou occupants du lotissement seraient tenus de respecter intégralement les conditions qu’il prévoyait, que l’article 9 du cahier des charges stipulait que le lotisseur, les acquéreurs et éventuellement les locataires seraient tenus de se conformer aux règlements en vigueur, notamment aux prescriptions du règlement, que le titre de propriété de M. et Mme J… établi le 21 août 1978 indiquait que l’acquéreur s’obligeait à exécuter toutes les clauses et conditions du règlement et du cahier des charges, dont copie lui était remise, que celui de M. et Mme I… mentionnait que le règlement et le cahier des charges avaient été déposés au rang des minutes du notaire, et qu’une copie de ces documents avait été remise dès avant le jour de la signature de l’acte de vente à l’acquéreur, qui reconnaissait en avoir pris connaissance et être tenu d’en exécuter toutes les stipulations, charges et conditions en tant qu’elles s’appliquaient au bien vendu, et constaté, par motifs adoptés, non argués de dénaturation, que ce dernier acte faisait en outre expressément état du caractère contractuel du règlement de lotissement, la cour d’appel, recherchant la commune intention des parties, en a souverainement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, la volonté non équivoque des colotis de conférer une valeur contractuelle aux dispositions du règlement de lotissement » (Cass. Civ. 3ème 16 mai 2019, n°18-12899)