Les sons, les odeurs et le patrimoine commun de la Nation

Les sons, les odeurs et le patrimoine commun de la Nation

L’OEIL DE L’AVOCAT

La loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021 dite « visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises » vient d’être promulguée.

Au-delà de sa dénomination qui pourrait prêter à sourire, cette loi nous invite à réfléchir à ce qui participe à la constitution d’un patrimoine national, ou d’une identité territoriale.

Elle se veut également symbolique et pédagogique, dans une période où -crise sanitaire oblige- les campagnes suscitent un regain d’intérêt pour le choix du domicile principal.

La loi modifie l’article L110-1 du Code de l’environnement, pour faire des sons et des odeurs qui caractérisent les espaces et milieux naturels, le patrimoine commun de la nation, au même titre que les paysages diurnes et nocturnes, les êtres vivants et la biodiversité.

La loi charge les services de l’Etat d’entreprendre l’inventaire du patrimoine culturel, dans toutes ses composantes, et d’étudier et qualifier l’identité culturelle des territoires, leur diversité d’expression, la richesse de ces patrimoines et leur relation avec les activités, pratiques et savoir-faire agricoles associés.

La loi charge enfin le Gouvernement d’établir et remettre au Parlement sous 6 mois, un rapport examinant la possibilité de traduire dans le code civil le principe jurisprudentiel de la responsabilité de celui qui cause à autrui un trouble anormal de voisinage. Le Gouvernement devra pour ce faire étudier les critères d’appréciation de l’anormalité de ce trouble, notamment la possibilité de tenir compte de l’environnement.

L’OEIL DU NOTAIRE

Par cette loi, au delà du caractère symbolique de la mesure, les pouvoirs publics essaient d’anticiper de possibles contentieux qui pourraient naitre du fait du retour à la campagne de nos concitoyens citadins, fatigués des difficultés à vivre en milieu urbain dans un contexte sanitaire tendu.

En effet, ces derniers pourraient-ils invoquer l’existence d’un trouble anormal de voisinage s’ils étaient amenés à devoir supporter des odeurs récurrentes de purin ou les meuglements de vaches qui caractérisent nos campagnes? La réponse semble bien négative puisqu’ici « le bruit et l’odeur » font désormais partie du patrimoine commun de la nation.

Au surplus, en ayant une parfaite connaissance des territoires grâce à la mise en place de ces outils de référencement, les collectivités en charge de l’établissement ou de la modification des documents d’urbanisme verront leur tâche facilitée et pourront ainsi plus facilement éviter la naissance de conflits d’usage et de destination.

C’est aujourd’hui qu’il convient de se poser ces questions, pour épargner aux magistrats la contrainte d’avoir à les trancher demain.

Et avouons-le, il n’est pas désagréable en ces temps troublés que pour une fois, on ne nous parle ni de vaccin ni de restrictions sanitaires…