La réforme de l’abus de droit fiscal

La réforme de l’abus de droit fiscal

« L’abus de droit fiscal est le châtiment des surdoués de la fiscalité »

(M. Cozian, « Les grands principes de la fiscalité », Litec)

Le dispositif de répression de l’abus de droit fiscal en France est le fruit d’une construction jurisprudentielle et légale qui a été codifiée par une loi du 30/12/2008 à l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales (LPF). Ce texte distingue deux types d’abus de droit :

  • l’abus de droit fiscal par fictivité (ou simulation) qui suppose l’existence de deux opérations : une opération officielle dissimulant une opération officieuse (ex : une vente dont le prix n’est pas payé qui réalise ainsi une donation)
  • l’abus de droit par fraude à la loi qui suppose la réunion de deux critères : une application littérale de textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs (critère objectif) et la recherche d’un objectif exclusivement fiscal par le contribuable (critère subjectif)

Parmi les montages incriminés, notons, de manière très voire trop synthétique, qu’il a été jugé que la donation avant cession (permettant de purger la plus-value latente) et la transformation d’une société avant cession (permettant de minorer les droits d’enregistrement) ne sont pas considérés comme des montages abusifs, contrairement aux donations déguisées ou aux apports avant cession qui ont animé le comité de l’abus de droit fiscal jusqu’à l’instauration du célèbre article 150-0 B ter du CGI.

Ce cadre juridique ne sera malheureusement plus à jour dans quelques semaines puisque la loi de finances pour 2019 a instauré un nouveau dispositif dit « mini-abus de droit » à l’article L. 64 A du LPF qui vise à sanctionner les montages qui poursuivent un objectif principalement fiscal. Il s’agit en fait d’un nouvel abus de droit par fraude à la loi dans lequel il suffit que l’objectif poursuivit soit principalement (et non plus exclusivement) fiscal.

Cela signifie concrètement que les contribuables et leurs conseils seront désormais contraints d’identifier et de comparer les différents objectifs (de quelque nature qu’ils soient…) de leurs montages pour en apprécier la viabilité au regard de l’abus de droit fiscal.

L’administration fiscale a entendu rassurer les contribuables sur la portée de ce nouveau dispositif en matière de donation avec réserve d’usufruit (communiqué de presse du 19/01/2019 et réponses ministérielles des 13 et 18/06/2019) mais aussi de manière plus générale par une autre réponse ministérielle du 18/06/2019 qui précise que « L’administration appliquera, à compter de 2021, de manière mesurée cette nouvelle faculté conférée par le législateur, sans chercher à déstabiliser les stratégies patrimoniales des contribuables. Enfin, les précisions sur les modalités d’application de ce nouveau dispositif vont être prochainement apportées en concertation avec les professionnels du droit concernés ».

Ce nouvel abus de droit ne s’appliquera qu’aux actes passés à compter du 01/01/2020. Il reste donc encore quelques jours pour jouer aux surdoués de la fiscalité…