SUCCESSION INTERNATIONALE ET RESERVE HEREDITAIRE

SUCCESSION INTERNATIONALE ET RESERVE HEREDITAIRE

Une succession est dite internationale en présence d’un élément d’extranéité qui peut être la nationalité ou le domicile du défunt ou de ses héritiers, ou encore le lieu de situation d’un bien successoral.

Dans un tel contexte, les règles civiles et fiscales applicables à la succession sont définies par les Etats de manière autonome ou à l’occasion de conventions internationales, en général bilatérales. L’intérêt de ces conventions est d’éviter les conflits de lois applicables et les doubles impositions…

Au plan fiscal, la France a conclu diverses conventions fiscales qui sont accessibles sur le site BOFIP-Impôts à l’adresse suivante : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/2509-PGP.html.

Au plan civil, la matière est régie depuis le 17 août 2015 par le règlement européen n°650/2012 du 4 juillet 2012 qui dispose que la loi applicable à la succession est, par principe, celle de la résidence habituelle du défunt. Cela signifie que c’est la loi du pays de résidence du défunt (au jour du décès) qui précisera notamment qui sont les héritiers, dans quels proportions ils héritent et selon quelles modalités les biens doivent être partagés.

Toutefois, il est possible pour tout intéressé, par testament, de désigner sa loi nationale comme applicable à sa succession. Possible, et même fortement conseillé pour nos expatriés qui ne souhaitent pas voir leur patrimoine français régit par un droit étranger en cas de décès…

Cela dit, le droit étranger peut paraître plus adapté que le droit français à la situation de certains de nos expatriés. Songeons par exemple à un français qui souhaite avantager son conjoint au détriment de ses enfants : en droit français, impossible ; les enfants disposent d’une part incompressible de la succession dénommée « réserve héréditaire ». Au contraire, certains droits étrangers, plus libéraux, ne prévoient aucune restriction à la liberté de désigner ses héritiers. Pourquoi dès lors ne pas privilégier l’application du droit étranger (de la résidence habituelle) plutôt que le droit dogmatique national ?

La question de la légalité d’un tel choix a été posée récemment à la Cour de cassation, à propos justement de la réserve héréditaire. Dans les deux affaires soumises à la plus haute juridiction française, il était question de la succession de deux célèbres compositeurs français décédés aux Etats-Unis, dans l’Etat de Californie, où ils étaient domiciliés, laissant leurs épouses et des enfants issus de précédents mariages. La loi applicable à la succession était la loi californienne qui ignore la réserve héréditaire et, compte tenu des dispositions testamentaires prises par les défunts, seules les épouses avaient vocation à recueillir le patrimoine successoral. Les enfants ont donc saisi les juridictions françaises afin de corriger les excès de générosité de leur auteur et tenter d’obtenir leur part réservataire sur les biens situés en France. A l’appui de leurs prétentions, les plaignants invoquaient le caractère d’ordre public attaché à la réserve héréditaire.

Par deux arrêts du 27 septembre 2017 (n°16-17.198 et 16-13.151), la 1ère chambre civile de la Cour de cassation répond « qu’une loi étrangère (…) qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels ».

En clair, la loi successorale étrangère (qui ne connaît pas la réserve héréditaire) s’applique en France, mais dans une certaine limite qui, selon les commentateurs, peut être caractérisée par l’état de précarité économique ou de besoin de l’héritier réservataire évincé (non évoqué en l’occurrence par les héritiers dont l’un a eu autant de succès que son père…).

La jurisprudence nous dira de quelle manière cette exception au principe doit être appliquée. En attendant, mieux vaut toujours prévenir que subir !