Précisions importantes en matière de droit de préemption du locataire commercial (art L 145-46-1 C.com)
L’OEIL DU NOTAIRE :
Deux arrêts récents rendus par la Cour de cassation méritent un point d’attention particulier :
Par un premier arrêt du 17 mai 2018, la Cour de Cassation précise notamment que la vente aux enchères publiques constitue une vente judiciaire, n’ouvrant pas le droit de préemption au profit du preneur à bail commercial, le texte de l’article L 145-46-1 C.com ne s’appliquant qu’aux ventes amiables.
La haute juridiction rappelle surtout que la cession globale de l’immeuble ne donne pas lieu à l’exercice du droit de préemption lorsque le preneur n’est locataire que d’une partie de l’immeuble objet de la vente. Cette précision importante devrait venir réduire considérablement les cas de purge à notifier!
Par un second arrêt du 28 juin 2018, la Cour de Cassation précise pour la première fois que l’article L 145-46-1 C.com est d’ordre public, confirmant en cela l’avis de la doctrine majoritaire.
D’après le CRIDON Nord-Est, il s’agit d’un ordre public de protection, auquel le locataire ne peut donc renoncer lors de la signature du bail. En revanche, une fois son droit de préemption ouvert, le locataire peut y renoncer avant l’expiration du délai légal d’un mois.
Notons que cette précision de la Cour de Cassation n’a pas d’incidence en matière de levée d’option de crédit-bail immobilier, pour laquelle il n’y a toujours pas lieu de purger le droit de préemption du sous-locataire dans la mesure où il n’existe pas de rapport contractuel entre ce dernier et la société de crédit-bail, propriétaire.
La Cour de Cassation précise en outre, là aussi pour la première fois, que la notification préalablement faite au locataire par le propriétaire bailleur qui envisage de vendre son local commercial, ne peut inclure les honoraires de négociation d’un intermédiaire.
L’OEIL DE L’AVOCAT :
Il est en effet toujours bon de rappeler qu’en matière de bail commercial, il existe un ordre public jurisprudentiel. L’article L145-15 du Code de commerce liste des dispositions du statut des baux commerciaux qui sont expressément visées par la loi comme étant d’ordre public. Le droit de préférence en cas de vente des murs n’y figure pas et une nouvelle fois, la Cour de Cassation rappelle que la liste dudit article n’est pas exhaustive.
Concernant les conditions d’application du droit de préférence instauré par l’article L145-46-1 du Code de commerce, ces premières jurisprudences ne nous éclairent que partiellement et les contentieux en cours sont assez nombreux.
En particulier, le second arrêt a été rendu dans des conditions spécifiques. Le texte dit que la purge doit être faite dès que le bailleur envisage de vendre. Il faut donc en déduire, nous dit l’arrêt, que dès lors qu’un mandat est signé avec un prix déterminé, une purge à ce prix doit être effectuée même sans acheteur, et la purge est alors sans commission. Mais nous sommes en amont de toute action en recherche d’acquéreur.
Mais quid de la purge sur compromis au prix négocié avec un tiers? Est-ce à dire que le vendeur supportera la charge de la commission de l’intermédiaire s’il y en a un, et de fait, tirera un bénéfice inférieur à celui prévu en raison du jeu du droit de préférence, ou que l’agent immobilier ne sera pas payé ? Il y a là, à l’évidence, à réfléchir sur la rédaction des mandats.
D’autres arrêts de la Haute Juridiction sont attendus et seront nécessaires.